Le Figaro Magazine 2018
Les jolis traits de caractère du Salon du Dessin
de Pierre Boishue
Le palais Brongniart à Paris, accueille 39 exposants veillant à ce que tous les styles, toutes les époques et toutes les techniques soient représentés
Parmi les nombreux trésors exposés place de la Bourse, les visiteurs pourront admirer cette encre sur papier de 1865 de Monet baptisée « le Phare de l’hospice à Honfleur », ce crayon et gouache de Niki de Saint Phalle, titré « L’opéra » ainsi que cette « Nature morte avec compote », une majestueuse huile réalisée en 1920 par Henri Hayden.
Attention, chefs-d’oeuvre ! Fidèle à sa réputation, le Salon du dessin dévoilera des trsors insoupçonnés à l’occasion de sa 27e édition, organisée au palais Brongniart, à Paris. Une première halte à la Galerie de Bayser, par exemple, suffit à s’en convaincre. Les nombreux visiteurs – près de 12.000 curieux arpentent chaque année les stands de la manifestation – auront notamment à coeur d’y admirer une magnifique sanguine d’un élève de Vinci, Cesare da Sesto (1477-1523), intitulée Tête de saint Jean-Baptiste. Même découvertes exceptionnelles chez l’Allemand Martin Moeller, qui dévoile les travaux d’inspiration surréaliste de Richard Müller (1874-1954) connu pour avoir été le professeur de George Grosz et Otto Dix. Comment ne pas non plus évoquer d’emblée les fascinantes pièces proposées par les marchands américains, à l’image de cette nature morte sur papier d’Henri Hayden (1883-1970) mise à l’honneur par Rosenberg and Co. ? Plus loin, on apercevra ici et là un ravissant Monet ou un non moins superbe Niki de Saint Phalle à la Galerie AB.
Ces exemples témoignent du haut degré d’exigence réclamé aux exposants par les organisateurs, dont le souci constant est de montrer tous les styles, toutes les époques et toutes les techniques (crayon, pastel, graphite, fusain, encre, aquarelle, gouache …) et qui prouvent leur volonté intacte de poursuivre leur collaboration avec la crème des galeristes étrangers. Au total, pas moins de 39 exposants sont recensés pour ce cru 2018, dont la moiti rayonne sur le marché international. Devant ce succès, les demandes affluent. Plus d’une cinquantaine parviennent chaque année au comité d’organisation composé de huit personnes. « Nous nous réunissons tous les mois pour élaborer puis établir une liste définitive, explique le président du salon, Louis de Brayser. On peut parler d’une sélection drastique. Nous privilégions les découvertes et les nouveautés afin de susciter une vrais émulation. En résumé, l’ambiance est studieuse et chaleureuse. Beaucoup d’affaires se concluent sur place entre des gens qui s’entendent sur le plan confraternel et se parlent spontanément. » Signe de la bonne santé du salon : il n’est pas rare, dans les allées, d’être témoin de l’émerveillement d’un ponte du monde de l’art devant la splendeur d’une oeuvre dont il ignorait encore l’existence quelques jours plus tôt.
Nul doute que les nouveaux participants susciteront l’intérêt. Parmi eux, le galeriste de Londres Omer Tiroche, dont le Picasso recto verso baptisé Pêcheurs fera son petit effet, ou la maison Onno Van Seggelen de Rotterdam, assurée de soulever l’enthousiasme avec une encre rare exécutée par le Hollandais Reinier Vinkeles (1741-1816). Les « anciens », de leur côté, sauront à nouveau séduire. Citons la Galerie Antoine Laurentin, sûre également de remporter l’adhésion avec une gouache inattendue d’Albert Marquet (1875-1947) représentant une fenêtre depuis laquelle le peintre aimait généralement exercer son art.
La dimension de l’événement n’est plus à démontrer. « C’est l’endroit où l’on trouve la plus grande densité de collectionneurs, d’amateurs et de conservateurs de muse. Aucun salon au monde ne marie aussi bien les liens amicaux, la passion du beau et l’excitation intellectuelle que suscitent le dessin, les beaux dessins », déclare Olivier Meslay, directeur du Clark Art Institute, un musée situé à Williamstown (Massachusetts). Une aquarelle de Gustave Doré (1832-1883), de taille importante, attirera à son tour de nombreux regards, au même titre cette encre de Chine sur papier contrecollé sur carton de Kandinsky (1866-1944). Difficile d’offrir une palette plus large dans un inique espace ! Pas moins de 1 000 lots, dont les prix oscillent entre quelques milliers et plusieurs millions d’euros, trouveront leur place à la Bourse de Paris. « On peut aussi en profiter sans avoir à les acheter », souligne à juste titre Louis de Bayser.
Plaisante impression, de saison en saison, que celle de partir à la rencontre d’une assistance réunissant amateurs en famille et experts en ébullition. Une manifestation qui, comme le rappelle l’académicien Pierre Rosenberg, constitue « une école où l’on apprend non pas à lire ou à écrire mais à voir, une école du regard et c’est en cela qu’elle est unique ». La présence de ce public hautement hétéroclite apporte encore la démonstration de la fascination qu’exerce le dessin sur les âmes et les consciences. « Il correspond à la sensibilité d’aujourd’hui où l’image est fondamentale », indique l’un des organisateurs, Bertrand Gautier. Evidemment, il n’en a pas toujours été ainsi. « Au début du XXe siècle les gravures coûtaient plus cher. Il s’agissait alors d’un micromarché », poursuit-il. Considérés comme un art mineur principalement par les collectionneurs de tableaux, des dessins bénéficient aujourd’hui d’une cote parfois plus élevée. A tel point que leur valeur peut dépasser jusqu’à dix fois le montant de compositions peintes exécutées par un même artiste, si l’on en croit l’exemple de Pierre Brébiette (1598-1650), de l’école française, cité par de nombreux experts.
De l’avis général, le salon a grandement contribué à leur rendre leurs lettres de noblesse grâce aux exposants et à la qualité de leurs échanges avec les collectionneurs et les néophytes, mais aussi en raison de la participation exceptionnelle d’invités prestigieux. Place aujourd’hui à la maison Chaumet, qui livrera une partie des secrets de son cabinet d’arts graphiques, riche de 80 000 dessins racontant plus de deux siècles de création joaillière. Hors de question de faire l’impasse sur les 38 œuvres sélectionnées pour le salon, don certaines n’ont jamais été montrées au public.
De la même façon, il apparaît essentiel de contempler la sélection de merveilles du muse d’Arts de Nantes – qui compte la bagatelle de 13 000 dessins et estampes dans son cabinet d’arts graphiques – réunies au salon. Au programme : Horace Vernet, Luc-Olivier Merson, Jean Gorin, mais aussi Christine Meisner, qui apportera une touche contemporaine à l’ensemble. Autres rendez-vous : une conférence programmée le 21 mars en présence d’Olivier Meslay, et les Rencontres internationales du Salon du dessin, les 21 et 22 mars, autour du thème des arts du spectacle. Encore de prometteuses … perspectives.