Le Figaro 2001
Quartier Drouot fait bloc
Front commun chez les 80 marchands, experts et commissaires-priseurs jusqu’à samedi soir
Par Valérie Duponchelle et Béatrice de Rochebouët
L’union des contraires est toujours là quand les temps sont durs. Pour la première fois dans le petit monde de Drouot, les marchands les plus positifs comme Véronique Legaret et Veronique Chopin de Janvry ont tendu la main aux plus récalcitrants de leurs pairs (les libraires bougons et les antiquaires qui dorment)comme aux experts et commissaires-priseurs qui font le pain quotidien de Drouot.
Hier soir, les Parisiens étaient attendus à ce vernissage communautaire, des huîtres et du chablis de collin et Delvos jusqu’au hall rénové de Drouot qui gardait ses lumières.
Difficile d’affronter la menace imminente de la concurrence étrangère avec l’application de la réforme dès la nouvelle année comptable, d’ignorer la morosité engendrée par la grand vide américain et les craintes de récession pour les mois à venir dans le marché de l’art.
Certains pavillons, rue de Provence ou rue Drouot, ont déjà renoncé à la bataille et à la quête ardue de l’objet extraordinaire, plus proche cette année du niveau de la brocante.
D’autres préparent la fête du Quartier drouot plus intensément que jamais. Le président du Quartier Drouot, l’impétueux Camille Burgi, propose une belle console au masque sculpté en bois doré d’époque Régence.
Têtes chercheuses et femme de terrain, Laura Pêcheur et sa consoeur ont déniché dans une petite vente de Cherbourg tout un lot de gravures et de dessins du Nancéien Victor-Emile Prouvé, le père de Jean dont on fête le centenaire. Vincent Guerre propose un bel ensemble de Serge Roche, provenant de l’appartement parisien de l’artiste. Comme toujours, la Galerie AB charme cette année avec une nature morte cubiste du Normand Pierre Hode.
Passage Verdeau, le jeune trio d’Amicorum expose 17 dessins orientalistes sur Istanbul au XIXe et les reliques, riches en surprises, de son exposition Lucien Ott. Les Italiens de San Carlo, les frères Scalfati, attendaient hier matin leur dernière trouvaille, la Visite au musée (sans doute Jacquemart-André) de l’artiste de la Belle Epoque Joséphine Buchet, vers 1886. Il est bon de se perdre dans ce passage Verdeau, ses minuscules échoppes qui cachent des trouvailles insolites comme les goûtent les chineurs. Chez Photo Verdeau, Régis Besse, nouveau venu et faux air à la Bruce Willis avec son tee-shirt blanc, sa carrure et son oeil très bleu, les collectionneurs de photographie vont découvrir, ébahis, ce meuble à développer, « tout en métal verni inoxydable, construction légère et soignée » vante la publicité gravée de 1895. Révélateurs, fixateurs et vernis sont bien rangés dans les flacons, éprouvettes et bacs prévus depuis d’un siècle à cet effet. A noter, le robinet pour la vidange, le seau pour son transit et même le cube pour accueillir les négatifs. Les néophytes piocheront dans la trentaine d’épreuves orientalistes, fin XIXe Quelques étoiles dans la nuit parisienne.